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Jour 4- Marcher sur le ventre du dragon

Comment décrire une journée si incroyable. Il y a de ces moments dans la vie qui sont étampés sur notre toile de vie à jamais, des moments qui reviennent à la surface lorsque l'on ferme les yeux le soir, des moments auxquels on s'accroche dans les passes difficiles et qui nous montrent ce qu'est la joie de vivre. J'écris ces lignes avec beaucoup d'humilité et reconnais comment fortuné je suis de pouvoir vivre de telles expériences. Plusieurs dans notre société vont vivre ces aventures en écoutant Découverte ou en lisant le National Geographic. Pour l'espace d'une journée, je fus ce journaliste. Par moment, je me sentais même comme Indiana Jones.

La journée a débuté au Ken's house of pancakes, un diner mythique de Hilo, ouvert 24h. Sur les murs on retrouve des photos autographiées de célébrités hawaiiennes (donc je n'en connaissais pas une), principalement des lutteurs. Ils servent leurs crêpes américaines avec cinq sortes de sirop : érable, coconut, papaye, fruit de la passion et l'éternel sirop de poteau. J'avais trois pancakes, j'ai donc essayé les trois sirops fruités. Coconut était bien et pas trop sucré. Les deux autres étaient comme étendre de la purée de bébé sur les crêpes; pas mauvais, mais pas extra non plus.

On quitte le resto à 7h45 et notre tour d'hélico est à 12h30. On décide donc de commencer la tournée du volcan immédiatement et quitter pour l'aéroport vers 11h00.

Le Kilauea (le volcan actif) n'a pas l'apparence classique du cône inversé. Il s'est formé lentement de couche successive de lave très liquide. Ses éruptions sont rarement violentes. Ainsi, il a plutôt l'apparence d'une grosse butte arrondie de la taille de l'ile de Montréal. C'est un jeune volcan, sont sommet se trouvant seulement à 4000 pieds (le mont Tremblant s'élève à environ 2400). Son plus proche voisin, le Mauna Lea est un monstre de 14000 pieds de haut qui forme la moitié de l'ile d'Hawaii

En montant l’autoroute 11, on ne devinerait jamais qu'on monte un volcan. La route traverse une forêt tropicale, on ne voit pas de sommet fumant, la route est parsemée de maison de banlieue. La normalité quoi. On passe l'affiche qui nous accueille au parc du volcan, on paie le prix d'entrée (10$ pour une semaine) et on continue. Si je regarde rapidement, je crois entrer dans le parc des Laurentides.

On fait un arrêt au centre des visiteurs pour connaitre les actualités du jour dans le parc. Ils annoncent des fermetures de plusieurs routes et sentiers, car "les niveaux de gaz sulfuriques sont à un niveau trop élevé, même mortel". Bon, mon feeling de parc des Laurentides s'arrête drette là. Une pancarte annonce "lava kills. A few tips to make sure you have a safe adventure in the park". Ouain.

Maintenant instruits sur comment survivre notre visite, on poursuit notre chemin pour aller voir le cratère principal du volcan. En ce moment, la lave est présente à deux endroits sur le volcan : le cratère principal du Kilauea et le Pu'u 'O'o, quelques kilomètres à l'est. Voici une carte ci-dessous pour mieux suivre les endroits :

Un kilomètre passé le centre des visiteurs, on voit des colonnes de fumée blanche partout à gauche et à droite de la route. Une fois le moment de panique passé, on devine que ça ne doit pas être des colonnes de gaz, ils auraient fermé la route. Ce sont des colonnes de vapeurs d'eau. L'eau de pluie s'infiltre dans le sol, atteint les pierres brûlantes plus basses et bouille pour remonter à la surface en vapeur d'eau.

On stationne la voiture et prenons le petit sentier qui mène à un point d'observation. Le spectacle qui s'offre à nous est imprenable. Une cavité de plusieurs kilomètres a été arrachée à la montagne, comme si Dieu avait descendu une cuillère de crème glacée pour prendre une bouchée. Le trou de 400 pieds de profondeur est recouvert d'une couche lisse de lave brillante et durcie. Ici et là, on voit des colonnes de gaz s'échapper paresseusement des profondeurs. Au loin, on voit un autre cratère, un trou dans le trou, d'environ un kilomètre de diamètre et au fond de celui-ci, la colonne principale de lave qui laisse échapper une épaisse colonne de gaz toxique.

Imaginez une immense piscine creusée. Environ au tiers de la piscine, on y creuse une partie plus profonde (pour plonger, mettons) et au fond de cette partie plus profonde, le drain de fond. Mais ce drain de fond ne mène pas à un filtreur, il mène à la chambre de magma sous le volcan.

Pour le moment, l'endroit est relativement paisible ici. Les dernières éruptions se sont produites à l'autre cratère. Cependant, en 1823, lorsque le premier Européen est arrivé à ce cratère, toute la "piscine" débordait de lave et explosait de gaz. Le spectacle devait être à la fois ahurissant et terrifiant.

On poursuit notre chemin en voiture vers deux autres points d'observation. Le dernier nous a donné la meilleure vue de la colonne de lave, mais on était encore bien loin. Il existe un sentier qui descend dans le cratère et on peut s'approcher du "sous-cratère", mais il était fermé pour raison de sécurité. Anyway, pas sur j'aurais été assez capoté pour descendre à la surface d'un volcan actif qui peut faire éruption à tout moment.

La route était aussi fermée à ce point (trop de gaz sulfurique). Nous avons rebroussé chemin pour aller visiter un "lava tube". Lorsque la lave coule d'un volcan, sa couche extérieure refroidit et se durcit, mais l'intérieur demeure liquide. La lave crée ainsi son propre tunnel. Lorsque le volcan cesse de fournir de la lave, le tunnel se draine et laisse un endroit tout à fait incroyable. Le tube de Thurston a été aménagé pour les visiteurs avec de l'éclairage. C'est une étrange expérience de naviguer le trajet d'une coulée de lave. Les parois suintent à grosses gouttes et l''humidité fait coller nos vêtements à la peau. La partie "touristique" est relativement courte, peut-être une centaine de mètres. Au bout, on a l'option de remonter ou poursuivre dans la partie "naturelle", non aménagée (i.e. pas d'éclairage).

Nous sommes arrivés préparés avec nos lampes de poche Walmart. On entre donc dans le 2e tunnel cul-de-sac qui s'enfonce 300 mètres dans le sol. D'abord, laissez-moi vous dire que des lampes de poche Walmart, c'est cheap en ta. On aurait mieux vu avec deux chandelles. Ensuite, un tunnel de lave sous la terre, c'est vraiment noir. La noirceur pesait sur nous comme un monstre invisible. Le chemin devait être deviné à tâtons, là où la lumière de la lampe de poche disparaissait, on devait aller. Le sol et le plafond étaient inégaux et glissants, les racines des arbres descendaient du plafond comme des tentacules qui attendent leurs prochaines proies. Le seul son que nous entendions est le bruit des gouttes d'eau qui tombent continuellement. On a même fait un test de fermer les lampes de poche. Il fait noir. Le plus noir que vous pouvez imaginer, et c'est encore une coche plus noire que ça.

Heureusement, ce tunnel était one-way. Aucun autre passage parallèle. Je n'aurais vraiment pas aimé me perdre dans un tel endroit.

De retour à l'extérieur, on rembarque dans la voiture, direction aéroport. L'hélico qu'on a choisi est le "doors off / feel the heat" tour. Tant qu'à être capoté, aussi bien d'y aller au max. Le trajet nous mène d'abord au cratère le plus actif (Pu'u 'O'o), puis vers des chutes en montagne. L'hélico est une peanut à 5 passagers, deux à l'arrière et deux à l'avant avec le pilote (donc un squeezé entre le passager et le pilote). On se retrouve avec deux autres gars, donc Nath devient le jambon dans le sandwich entre le pilote et moi à l'avant. Large comme je suis, je me retrouve avec une épaule et une moitié de fesse à l'extérieur de l'appareil. On s'attache avec les ceintures 4 directions (épaule, épaule, taille, entre jambes) et ma main droite s'agrippe à la petite poignée en corde après la porte. Pour ceux qui me connaissent, vous savez que je suis terrifié des hauteurs. Je peux me taper les plus extravagantes montagnes russes, mais mon pire manège à la ronde est la grande roue. Néanmoins, je ne me suis jamais empêché de faire quelque chose à cause de cette phobie. D'où cette folle virée d'hélicoptère.

Par contre, ma main droite n'a jamais quitté la petite corde pendant les cinquante minutes du vol. J'ai d'ailleurs eu la main engourdie plusieurs heures après. De plus, une deuxième problématique est survenue en vol. C'est moi qui ai la caméra autour du cou. C'était logique, je suis celui à l'extérieur, avec pas de porte. Ma main droite en a décidé autrement.

Ainsi, en approchant le cratère du volcan, les vents secouant l'hélico comme le Zodiac de mardi sur la mer, l'appareil penche a 45 degrés, de mon cote naturellement, et sous moi, une des plus grandes puissances de la nature rage. Des bouillons de roche en fusion brillent de rouge, l'odeur du gaz sulfurique nous brule les narines et la chaleur, même 1000 pieds au dessus du lac de lave, nous chauffe le visage. Et ma main droite de bouge pas pour prendre une photo.

Ma main gauche prend alors la relève et donne l'appareil photo à Nathalie, toujours squeezée à ma gauche. Un des plaisirs d'être avec quelqu'un vingt ans est qu'on se comprend parfaitement. Par mon geste, elle devine que ma main ne lâchera pas la petite corde. Elle devine aussi qu'elle sera la photographe désignée. Sans rien dire, sans poser de question, elle prend l'appareil et prend le vidéo suivant :

Ce fut une expérience inoubliable.

Par la suite, l'appareil s'est dirigé vers une série de grandes chutes, a passé par dessus notre hôtel et est venu se poser à l'aéroport.

De retour dans l'auto, on retourne au parc des volcans. Premier arrêt, le cratère Kilauea Iki, créé en 1959 lors de la super éruption qui cracha une colonne de lave à plus de 1000 pieds dans le ciel. Ce cratère, maintenant dormant, offre un sentier qui descend plus de 400 pieds vers la surface du cratère. De là, on a marché plus de deux kilomètres à la surface. La chambre de magma, encore quelque centaine de pieds sous nous, fait bouillonner l'eau de pluie et des colonnes de vapeur d'eau sont visibles partout. À chaque pas, on testait la pierre. Souvent, on voyait des crevasses de plusieurs mètres. J'avais à la fois une fébrilité et une certaine inquiétude à braver le ventre de ce puissant dragon.

Après avoir remonté le sentier (beaucoup plus difficile que le descendre, 400 pieds sur 1 kilomètre de piste), nous sommes allés faire le «crater road ». Ce chemin de plusieurs kilomètres descend du sommet du volcan jusqu'à la mer et travers une vaste étendue dévastée par la lave. À mi-chemin, on s'arrête pour un point d'observation et on prend des clichés. Parfois, dans une journée remplie comme celle-ci, on ne prend plus de temps d'absorber toutes ces scènes. En me retournant, je vois notre véhicule seul, sur le bord de la route, et l'incroyable désolation qui nous entoure.

C'est alors que je prends conscience de toute la force d'un volcan. Il n'y a vraiment aucun autre désastre naturel qui peut tellement et si absolument détruire tout son environnement autant qu'un volcan. Des mètres et des mètres de pierre lisse et durcie qui recouvre des kilomètres carrés de ce qui était une forêt tropicale. La nature va prendre une centaine d'années pour s'en remettre. Sur la photo ci-dessus, on parle d'une coulée de lave de plus de 40 ans et encore, la verdure peine à s'établir. C'est ça la puissance d'un volcan.

Plus loin sur la route, on a visité un site qui où les Hawaiiens ont gravé de pétroglyphes dans la pierre durcie. À plusieurs endroits, on voyait des ronds taillés. Je pensais qu'il s'agissait d'étoiles. Puis, sur une affiche d'info, je vois qu'ils avaient une tradition de creuser ces trous à la naissance d'un enfant et mettre à l'intérieur le cordon ombilical. Cette coutume devait apporte chance et fortune au nouveau-né. Je lève la tête et vois la myriade de ces trous partout autour de moi. De générations et des générations de ces habitants représentés ici. Je me suis senti étrangement envahisseur à ce moment, comme si je venais de m'imposer dans un endroit où je n'étais pas bienvenu. Nous sommes retournés à la voiture.

Après une dizaine de kilomètres de sentier et une centaine de kilomètres de route, s'en était assez. Nous sommes retournés à la chambre pour une douche rapide et sommes retourné chez Sombat's, un excellent restaurant thaïlandais que avions essayé la vielle. Le resto ferme tôt, à 21h. Donc, en arrivant à 20h, nous étions les derniers clients. La propriétaire/chef est une Thaïlandaise et ses trois enfants font le service et l'aide dans la cuisine. L'endroit est bien caché (sans le guide, nous ne l'aurions pas trouvé) et est très reconnu. Il a gagné le prix du meilleur Thaïlandais de l'ile pour les cinq dernières années. Hawaii est très asiatique, c'est donc un prix qui a du mérite. Nath s'est fait plaisir avec une soupe thaïlandaise au lait de coco et au poulet. Pour ma part, j'ai essayé un incroyable cari musulman, avec des arachides, des pommes de terre et du poulet. Tout à fait excellent. Son seul défaut, les portions sont trop grosses. Je me sens coupable de laisser de la si bonne nourriture. Je me suis donc couché avec la bedaine trop pleine... pour un deuxième soir de suite.

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