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Jour 6- Se pousser au maximum

Je suis assis sur la terrasse du Tahiti Nui, sur la rue principale d'Hanalei, et je déguste ma bière locale (la Hawaiian gold) en me disant que je me suis vraiment poussé au maximum aujourd'hui. Pas un maximum du style « donnons un deuxième effort ». Un maximum qui après ce deuxième effort, le coup de pied au cul qui suit, l'effort ultime et finalement le sprint du dernier mile, tu vois qu'il en manque encore. Tu dois alors aller puiser dans ta réserve inconnue où chaque once d'énergie est arrachée aux os, aux trippes, au sang. Le type de maximum que tu vas chercher qu'une poignée de fois dans ta vie, soit dans ton travail, soit dans ta vie personnelle ou, dans ce cas-ci, dans un exploit physique.

Nous avons commencé cette journée avec l'optimisme du naïf. Nous voulions depuis de mois se taper un sentier dans la forêt tropicale et vivre l'expérience « nature ». Nous nous sommes entrainés une couple de fois par semaine sur notre appareil elliptique pendant les derniers mois afin de nous bâtir une endurance. Nous arrivons au sentier avec nos packsacks, nos souliers de randonnées (spécialement fait pour la montagne), trois litres d'eau, notre lunch et la caméra.

Dès le début, on voit que ce sentier n'a rien à voir avec les sentiers de montagne qu'on connait. C'est une élévation de 400 pieds sur 1.5 kilomètre pour commencer sur un sol de roche et de boue. Le sentier a tout au plus un mètre et, à notre droite, une « drop » qui ne donnerait aucune chance.

Les yeux biens fixés vers le sol, calculant la position de chaque pas, tranquillement, nous avons fait la première partie de notre trajet total avec assez d'aise. Essoufflés, mais encore en forme. Cette première partie de 3.5km nous a conduits à une plage isolée, dont le seul accès est justement ce sentier. Les vagues sont trop fortes pour se baigner, mais les fortes bourrasques de vent marin étaient les bienvenues. Nous avons pris quelques clichés et pris une collation. Une note, nous avions une option de déréglée sur l'appareil photo ce qui a gâché la majorité des photos de la journée. Nous avons gardé les meilleures pour Facebook, mais il est possible qu'elles soient embrouillées quand même. Heureusement, nous avons élucidé ce mystère pendant que j'écrivais ces lignes. Les photos de demain votre revenir à la normale.

Donc, on se lance dans la deuxième partie du sentier qui mène vers une chute supposément spectaculaire et un autre 3.5 km se trouve devant nous. Nous entamons cette section en nous disant que la première partie avec sa piste à flanc de falaise était pas mal difficile. Une randonnée en forêt va être bienvenue. Ah-ah, que savions-nous

Sur les 3.5 km de ce sentier, je ne sais pas si nous avions plus de 30 centimètres de largeur. La chute se trouve au fond d'une vallée en « U », qui devait être le col d'un volcan qui a perdu un côté. Cette vallée est cadrée de hautes falaises de plusieurs centaines de pieds et notre piste longe de haut vers le bas, parfois à la hauteur de la rivière créée par la chute, parfois haut sur la falaise avec une chute sans lendemain à nos côtés.

La piste était couverte de plusieurs centimètres de boue, une boue rouge qui colle aux vêtements, aux chaussures et à la peau. Sous cette boue, des roches rondes et glissantes. La piste est en ascension tout le long. Les branches d'arbre nous fouettent le visage et les molets. À tout moment, on a la peur de glisser et tomber dans le vide à gauche.

À quatre endroits, on doit traverser la rivière déchainée, dont le courant s'apparente aux rapides du printemps. Parfois, on peut sauter d'une roche à l'autre, en espérant ne pas perdre pied et glisser dans les rapides. À d'autres moments, c'est peine perdue et on doit traverser dans l'eau jusqu'aux genoux, les souliers faisant « squish-squish » après.

À deux ou trois reprises, nous avons dû nous arrêter pour trouver la piste. Honnêtement, ça prenait des talents de traqueurs pour savoir où aller. Pas d'indications, pas d'indice. On escalade une série de roches (oui, escalade est le bon mot), on arrive en haut et plus de chemin. Au bout de trois minutes, on trouve une brèche dans la végétation de tout au plus 10 centimètres. C'est la piste. À un autre moment, on arrive à la rivière et ne voit rien de l'autre côté. Heureusement, une personne arrive à sens inverse et on la voir surgir de la forêt est descendre une série de pierre. La piste doit se trouver en haut.

Après un autre 90 minutes, on navigue les derniers tournants, escalade les dernières pierres et arrivons ici :

C'était une scène inoubliable. La rivière quatre cents pieds plus hauts tombait littéralement sur la paroi de la falaise, frappant les pierres et créant en bas un rideau de pluie sur son bassin. En levant la tête, je vois un couple d'oiseaux longer la falaise et se laissant flotter par les vents verticaux. C'était comme atteindre un paradis perdu.

Nous nous sommes assis sur des grosses pierres et avons lunché en silence, la sérénité de l'endroit occupant l'espace sonore.

Après une trentaine de minutes, c'est l'heure du retour. Sept kilomètres, en plein soleil. Un autre trois à quatre heures de sentier. On défait notre chemin du mieux qu'on peut. À un endroit, on s'est retrouvé sur un « raccourci », mais nous avons heureusement retrouvé le sentier en traversant la rivière (et se mouillant généreusement). À cette étape, on n'essaye même plus d'éviter la boue. Les souliers en sont tellement recouverts qu'il brille de roux. Nous ne faisons que suivre notre air d'allée, un pas devant l'autre pas.

Avec le lunch et la pause, cette troisième partie se déroule plus rapidement qu'on s'attendant. Cependant, les jambes sont molles et nous avons moins de « spring » dans nos genoux. On prend donc notre temps, car le risque de chute est beaucoup plus élevé.

De retour à la plage isolée, on prend une pause de 15 minutes. À ce moment précis, je dois admettre que je suis vidé. Il est 14h30. Nous sommes sur ce sentier depuis 9h00. Nous avons parcouru 6 miles (près de 10 kilomètres). J'avais tout donné pour me rendre à cette plage et maintenant, je dois trouver l'énergie pour faire ce dernier 3.5km pour sortir du parc.

Lorsqu'on se lève pour reprendre le chemin, je n'ai plus rien dans le corps. Encore une fois, cette partie est une ascension de 400 pieds sur 1 mile et une descente de 400 pieds sur l'autre mile. 400 pieds d'ascension. Imaginez monter un édifice de 40 étages en 45 minutes après avoir parcouru 10 km de sentier boueux, glissant, sinueux et parfois épeurant. En plus, ajouter un soleil plombant de 30 degrés Celsius. Et le summum, il ne reste qu’un litre d'eau pour les deux. Je ne trouve pas les mots pour vous expliquer comment cette dernière partie fut difficile. Chaque 5 minutes, on s'assoyait pour prendre notre souffle et se rincer la bouche avec une mince gorgée d'eau. À chaque tournant, on levait la tête et on voyait des gens encore plus haut. C'était toujours plus haut. Les jambes ne voulaient plus, et on devait encore monter. Ce fut tout une joie lorsqu'on a atteint l'affiche « 1 mile », annonçant le mi-parcours. Nous savions que de ce point-là, on descendait.

Pas par pas, les gorgées d'eau devenant de plus en plus homéopathique, la sueur coulante de notre front comme la chute que nous avions vues, les genoux se plaignant à chaque roche descendue, nous avons atteints le point de départ à 16h00. Sept heures de travail interminable.

Au point de départ se trouve aussi une plage publique. Nous avons d'abord arrêté à la fontaine d'eau potable et probablement bu plus d'un litre et demi d'eau. Puis, on a mis nos costumes de bain et on s'est jeté dans la mer. Vous pouvez imaginer le plaisir et le soulagement.

Certes, certains diront que d'autres ont des expériences physiques plus difficiles. Ce n'était pas un iron man ou un marathon. Mais pour moi, j'ai vu ma limite physique et j'ai réussi à la pousser de quelques crans. Je suis passablement fier de cet accomplissement. Je suis aussi à moitié surpris de ne pas m'être tué sur cette piste. C'était vraiment quelque chose.

Donc, pendant notre bière au pub, Nath me demande ce que je vais écrire dans mon blogue et je lui explique les grandes lignes. Elle dit alors : « une chance que je n'ai pas booké le kayak en mer pour demain, on devait faire 11 km de kayak de mer. Je n'aurais jamais été capable. ».

Tous les muscles de mon corps étaient en accord avec elle.

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